« Ne dites pas dénatalité ! », par Michel Tarrier

(Extrait de Faire des enfants tue… la planète. Éloge de la dénatalité, « Prologue », p. 17-18, Editions LME (Nouvelle édition, revue et complétée), 2011)

Ne dites pas dénatalité !

(extrait)

L’idée de faire moins d’enfants, ou de ne pas en faire, ne date pourtant pas de la dernière pluie, et encore moins de la propagande du chaos climatique auquel la surcharge planétaire n’est pas étrangère. Aux racines françaises du militantisme antinataliste, on trouve comme par hasard des pionnières de l’écoféminisme avant la lettre. L’écologie n’étant pas science connue, l’écologisme qui en résulte ne pouvait être pressenti. Le refus d’enfanter ne s’inspirait alors que d’un souhait de liberté et d’émancipation féminine.

Nelly Roussel (1878-1922) fut l’une des toutes premières Européennes à revendiquer le droit des femmes à disposer de leur corps et à prôner le contrôle des naissances par les moyens de l’époque. Libre penseuse féministe, anarchiste de tous les combats, elle était du mouvement néomalthusianiste mettant en rapport l’augmentation trop rapide de la population mondiale avec l’accroissement insuffisant des ressources, et soutenant la prudence parentale comme mode d’émancipation des classes sociales les plus défavorisées. Elle est l’auteure de L’Éternelle sacrifiée.

Madeleine Pelletier (1874-1939) était une autre militante féministe. Initialement anthropologue, elle fut la première femme diplômée en médecine psychiatrique. Écrivaine prolixe, on lui doit, entre autres : La femme en lutte pour ses droits ; Idéologie d’hier : Dieu, la morale, la patrie ; L’émancipation sexuelle de la femme ; Le Droit à l’avortement ; et L’éducation féministe des filles. Cheveux courts, elle s’habillait comme un homme et se refusait à tous rapports sexuels, ce qui réduisait évidemment tout risque de « tomber enceinte » ! Admirer au passage dans cette expression populaire le recours au verbe « tomber », reconnaissance tacite du drame, comme « tomber malade » ! À propos de son mode vestimentaire, elle argumentait : « Je montrerai mes seins dès que les hommes commenceront à s’habiller avec une sorte de pantalon montrant leurs couilles… ».

Paul Robin (1837-1912), connu pour son œuvre dans le cadre de l’orphelinat de Cempuis, en Picardie, était un pédagogue libertaire qui fit scandale par ses idées très en avance sur son temps. « La science officielle de l’éducation ne trouve rien de mieux à faire des jeunes adolescents que de les enfermer : les privilégiés au collège, les vulgaires à l’atelier, les parias en prison », déclarait-il. Anti-autoritariste et internationaliste, il fondait sa croyance sur une fraternité entre tous les peuples. Il rencontra Marx et était l’ami de Bakounine. Engagé dans l’action féministe et le néomalthusianisme, il souhaitait que l’on reconnaisse à la femme tant le statut de chef de famille que la liberté d’être mère ou non. Il diffusa des tracts sur les moyens de contraception, créa une ligue anti-esclavagiste pour l’affranchissement des filles, fonda un syndicat de prostituées et ouvrit une des premières agences pour l’union libre.

Le temps est passé, certains libertaires anticonformistes furent, comme souvent, des visionnaires. […]

Michel TARRIER